Être heureux avec Spinoza
- Sandie Carissan
- 9 oct. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 oct. 2024

Dans Être heureux avec Spinoza, Balthasar Thomass nous invite à découvrir la philosophie de Spinoza non seulement comme une théorie intellectuelle, mais surtout comme un outil pratique pour mieux vivre. Ce livre cherche à montrer comment la pensée de Spinoza peut transformer notre manière de comprendre nos émotions, d’affronter les difficultés et de trouver la joie malgré les aléas de l'existence.
Après S’affirmer avec Nietzsche, j’ai voulu découvrir un autre livre de Balthasar Thomass, et ce fut ma rencontre avec Spinoza, qui est devenue ma plus belle découverte philosophique !
I. Les symptômes et le diagnostic : La jungle affective
Dès le début du livre, Thomass explore ce qui cause notre mal-être. Selon Spinoza, les humains sont avant tout des êtres de désirs et d’émotions. La clé pour comprendre notre bonheur (ou notre malheur) réside donc dans la manière dont nous gérons nos émotions, appelées aussi affects. Ces affects façonnent notre vie bien plus que notre raison, et c'est par eux que nous réagissons au monde qui nous entoure.
Spinoza explique que nos émotions fluctuent constamment. Quand notre énergie vitale augmente, nous ressentons de la joie. À l'inverse, lorsque cette énergie diminue, nous sommes submergés par la tristesse. Thomass souligne que cette fluctuation d’énergie est incontrôlable et qu’il est difficile pour nous de gérer ces va-et-vient émotionnels. Nous sommes souvent perdus dans cette "jungle affective", cherchant à comprendre pourquoi nous ressentons ce que nous ressentons.
L'amour et le désir : Forces motrices de notre vie
Spinoza définit l’amour comme une joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure, c'est-à-dire qu’on attribue cette joie à quelqu’un ou à quelque chose. Ainsi, aimer quelqu’un, c’est croire que cette personne est la source de notre bonheur. Pourtant, cet amour est souvent mal orienté. Nous avons tendance à croire que notre bonheur dépend d’autrui, alors que, selon Spinoza, cette croyance nous fait souvent souffrir, car elle est basée sur une idée fausse.
Nous sommes aussi des êtres de désir. Thomass rappelle que Spinoza voit le désir comme l'essence même de l'homme, c'est-à-dire que désirer, c'est être. Ce que nous désirons est souvent ce qui nous permet de persévérer dans notre existence, d’accroître notre puissance. Mais Spinoza nous met en garde contre les désirs mal orientés, qui peuvent nous éloigner de la véritable joie.
II. Les clés pour comprendre : L’amour de la nécessité
Pour surmonter la souffrance et les désillusions, Thomass introduit une idée fondamentale de Spinoza : l’amour de la nécessité. Ce concept nous invite à accepter la réalité telle qu’elle est, avec ses contraintes, ses aléas, et à ne pas vouloir fuir ce qui est inévitable. Spinoza critique l’idée de libre arbitre, expliquant que nous ne sommes pas aussi libres que nous le croyons. Nos actions sont souvent dictées par des causes que nous ne contrôlons pas.
En acceptant cette idée, nous devenons plus aptes à trouver le bonheur. Plutôt que de lutter contre ce que nous ne pouvons changer, nous devons embrasser la nécessité de la vie, comprendre que tout ce qui nous arrive – même les difficultés – fait partie du grand ordre naturel. C'est ce qu'on appelle l’Amor Fati (l'amour du destin), qui nous permet d'accepter ce qui est et de trouver de la paix intérieure, même face à des situations difficiles.
Comprendre nos passions pour mieux les transformer
Thomass insiste sur le fait que, selon Spinoza, nous devons apprendre à distinguer les actions des passions. Une passion, c'est quand nous sommes passifs, dominés par nos émotions et nos désirs. En revanche, lorsque nous comprenons les causes de nos émotions, nous devenons actifs et pouvons les transformer. Par exemple, en comprenant pourquoi certaines choses nous rendent tristes, nous pouvons travailler à transformer cette tristesse en joie. La clé est donc la connaissance de soi, qui passe par l'intelligence de nos émotions.
III. Les moyens d’agir : Transformer ses passions
Dans cette partie, Thomass montre comment, grâce à la pensée de Spinoza, nous pouvons transformer concrètement nos vies. Pour Spinoza, la véritable liberté ne consiste pas à échapper aux contraintes ou aux émotions, mais à comprendre pourquoi elles existent et comment les utiliser à notre avantage.
Distinguer l’action de la passion : Reprendre le contrôle
Spinoza fait une distinction importante entre l’action et la passion. Lorsque nous sommes dans l’action, nous sommes dans une position de maîtrise : nous faisons quelque chose parce que nous l’avons décidé en pleine conscience. En revanche, les passions sont des émotions qui nous contrôlent, nous font agir malgré nous. Thomass nous incite à passer d’un état passif, dominé par les passions, à un état actif, où l’on comprend nos émotions pour mieux les gérer.
La tristesse n’apprend rien : Transformer la souffrance en force
Un autre point clé de la philosophie de Spinoza est que la tristesse ne nous apprend rien. Elle nous diminue, nous affaiblit. En revanche, la joie nous rend plus forts. Thomass explique que pour Spinoza, la tristesse est un état qu’il faut comprendre pour pouvoir le dépasser. En se concentrant sur ce qui nous procure de la joie, en cherchant ce qui augmente notre puissance d’agir, nous pouvons transformer nos passions négatives en forces positives.
La communauté des hommes libres : S’élever ensemble
Thomass parle également de la notion de communauté chez Spinoza. Il explique que la recherche de la liberté individuelle ne doit pas être faite au détriment des autres. Au contraire, pour Spinoza, nous devons chercher à former des relations basées sur la compréhension mutuelle et la coopération. Une communauté d’"hommes libres" est une société où chacun cherche à accroître non seulement sa propre puissance, mais aussi celle des autres. Ensemble, nous pouvons atteindre une liberté collective plus grande.
IV. Une vision du sens de l’existence : Dieu au-delà des religions
Enfin, Thomass aborde la question de la métaphysique dans la pensée de Spinoza. Pour Spinoza, Dieu n'est pas un être transcendant qui gouverne le monde de l'extérieur. Dieu est dans tout ce qui existe. En fait, Dieu est la nature. Comprendre cela, c’est comprendre que nous faisons partie d'un grand tout, que nous sommes une expression de cette force divine. Thomass explique que cette conception de Dieu nous permet de trouver un sens plus profond à notre existence, non pas dans un au-delà, mais dans la manière dont nous participons à l’ordre du monde.
L’amour intellectuel de Dieu : Une source de joie suprême
Le livre se termine sur l'idée de l’amour intellectuel de Dieu, qui consiste à comprendre que tout ce qui existe dans le monde est une expression de Dieu. En cultivant cette connaissance et cette compréhension, nous pouvons atteindre une béatitude, une joie suprême, qui découle de l’harmonie avec l’ordre naturel.
La sagesse de Spinoza comme chemin vers le bonheur
Être heureux avec Spinoza de Balthasar Thomass est un guide pour appliquer la philosophie de Spinoza dans la vie quotidienne. Thomass montre comment cette pensée complexe et subtile peut nous aider à mieux comprendre nos émotions, à accepter les contraintes de la vie et à transformer la tristesse en joie. La clé du bonheur, selon Spinoza, réside dans la compréhension : comprendre ce qui nous affecte, comprendre le monde, et finalement, comprendre que nous faisons partie d’un tout plus grand. C’est en embrassant cette réalité, en acceptant nos limites et en développant notre puissance d’agir, que nous pouvons trouver une liberté authentique et durable
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Thomass, B. (2008). Être heureux avec Spinoza. Éditions Eyrolles
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