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Photo du rédacteurSandie Carissan

Otium, les vertus du temps libre

Dernière mise à jour : 16 oct.



Je vous propose ici le résumé d'une conférence de Jean-Miguel Pire intitulée "Otium, les vertus du temps libre". Cette présentation explore la notion d'otium, qui désigne un temps de loisir dédié à la réflexion, à la contemplation et à l'enrichissement intellectuel. Loin d'être un simple moment d'oisiveté, l'otium se révèle être une pratique fondamentale pour le développement de la sagesse et la réalisation personnelle. Jean-Miguel Pire y examine l'évolution historique du loisir, son rôle dans l'émancipation intellectuelle et politique, ainsi que son déclin progressif à l'époque moderne, dominée par le marché et la productivité.


1. Introduction : Le loisir fécond et sa valeur historique

  • Présentation générale : L'auteur présente l'ouvrage et son lien avec l’histoire du loisir, en mettant en avant la signification originelle du terme "loisir" (otium en latin), perçu comme une activité noble et féconde, différente du divertissement.

  • Objectif de la conférence : Montrer comment cette forme de loisir, peu valorisée aujourd'hui, a joué un rôle crucial dans l’émancipation intellectuelle et politique à travers l’histoire, en créant des conditions favorables à la quête de sagesse.


2. L’histoire du loisir et son rôle dans l'émancipation intellectuelle

  • Le loisir comme quête de sagesse : Historiquement, le loisir était considéré comme une activité humaine noble, permettant l’indépendance intellectuelle et la réflexion sur soi et sur le monde.

  • Exemples historiques : L'auteur évoque des moments historiques où le loisir a été essentiel dans le développement de la pensée et l’émancipation politique, avec des références à des périodes marquantes de l’histoire intellectuelle. Il évoque la "Révolution des intéressés", période où le loisir fécond était perçu comme une activité essentielle à la quête de sagesse. Il fait également référence à l’institution du "souci de soi" dans l’Antiquité, telle que décrite par Michel Foucault, où le loisir studieux constituait un moteur central du développement personnel jusqu’à ce que le christianisme impose une morale de renoncement à soi.

  • Le rôle de l'État dans les politiques culturelles : L'influence de l'État dans le soutien aux arts, à l'éducation et à la recherche est mentionnée, notamment à travers la notion de "politiques de l’esprit", un concept introduit par Paul Valéry. Ce soutien étatique aux activités intellectuelles a permis de créer un environnement favorable à l’émancipation collective et au progrès intellectuel, notamment à travers les salons de la Renaissance et les débats philosophiques qui ont préparé des révolutions politiques et sociales


3. La dévalorisation moderne du loisir et ses conséquences

  • Évolution du loisir dans l'ère moderne : L’auteur montre comment la dévalorisation progressive du loisir, en tant qu’espace de réflexion désintéressée, a contribué à un sentiment d'absurdité dans la société contemporaine. Cette dévalorisation est associée à la montée du marché et du "négoce"(negotium = negation de l'otium), qui prône l’utilité immédiate et la rentabilité.

  • Le contraste avec le marché : L’auteur souligne que le marché actuel favorise des individus consommateurs, plutôt que des individus réfléchissant ou autonomes, et cela nuit à la capacité de donner du sens à la vie et au travail.

  • Déconnexion entre travail et quête existentielle : Le travail a perdu sa dimension éthique et existentielle, réduisant son sens à des aspects purement matériels et comptables.


4. Loisir fécond et travail : Une nouvelle approche existentielle

  • Le rôle du travail dans l'accomplissement personnel : L’auteur propose une distinction entre travail "utile" (lié à des objectifs concrets) et travail "fécond", qui permet d'aller au-delà des objectifs matériels pour contribuer à une réflexion sur soi, la vie et l’éthique.

  • Fécondité du travail : Cette partie explique que le travail, lorsqu’il dépasse les objectifs matériels immédiats, peut devenir un espace de réalisation existentielle, aidant à construire une éthique de vie qui englobe le bien commun.

  • Diminution de cette dimension existentielle : L’auteur souligne que, dans les conditions de travail modernes marquées par la précarité et la rapidité, la dimension existentielle du travail s’est érodée.


5. L'absurdité des emplois modernes et le retrait volontaire du travail

  • "Bullshit jobs" et désengagement des jeunes générations : L’auteur mentionne le concept de "bullshit jobs" de David Graeber, désignant des emplois dépourvus de sens et qui ne contribuent ni à l’individu ni à la société.

  • Choix délibéré de diminuer l’importance du travail : De plus en plus de jeunes choisissent de réduire la place du travail dans leur vie pour se consacrer à des activités qui donnent un sens plus profond, comme des engagements solidaires, environnementaux ou culturels.


6. Le loisir comme espace de réflexion et de liberté

  • Le loisir fécond en opposition au divertissement : Le loisir fécond, contrairement au divertissement, est présenté comme un espace de liberté où l'individu peut se consacrer à des activités désintéressées comme la réflexion, la contemplation ou la créativité. Ce temps, qui n’est pas soumis aux contraintes économiques, permet d’aller au fond des choses et de cultiver un jugement personnel.

  • Exemple historique : Les Grecs et l’otium : L’auteur se réfère aux Grecs, qui plaçaient la réflexion et la pensée au sommet des activités humaines, en opposition au travail.

  • Philosophie grecque et réflexion désintéressée : L’importance que les Grecs accordaient à la pensée désintéressée est soulignée, et cette vision a traversé l’histoire, marquant profondément les conceptions de l’émancipation intellectuelle.


7. Les dangers de la dévalorisation du loisir dans les sociétés modernes

  • Conséquences dans les secteurs non marchands : L’auteur montre que la dévalorisation du loisir affecte également des secteurs essentiels tels que l'éducation, la culture, la santé et l'environnement. Ces domaines, lorsqu’ils sont soumis aux impératifs de marché, subissent une perte de sens et d'intégrité.

  • Réflexion sur l'avenir : L’auteur propose une réflexion sur la nécessité de réhabiliter le loisir comme espace essentiel pour la réflexion et la construction de sens, non seulement à titre personnel mais aussi collectif.


8. Conclusion : Le loisir comme outil d'émancipation

  • Le lien entre loisir et émancipation individuelle : En conclusion, l’auteur souligne que le loisir, et plus spécifiquement le loisir fécond, est un outil puissant pour l'émancipation individuelle et collective.

  • Le rôle des institutions : Il appelle à une réévaluation du rôle des institutions, en particulier de l'école, pour encourager le loisir studieux et l’accès à une pensée libre et critique.

  • Perspective future : Le loisir, s’il est réhabilité, peut jouer un rôle crucial dans la réinvention des valeurs dans une société où le marché et la productivité tendent à dominer tous les aspects de la vie.


Cette vidéo présente une critique profonde de la société contemporaine qui dévalorise le loisir fécond au profit de la productivité et du divertissement. En revenant aux racines historiques du loisir, notamment dans la culture grecque, l'auteur montre que ce temps de réflexion et de contemplation est essentiel pour donner du sens à la vie humaine. Il fait aussi un parallèle entre la transformation du travail et la quête existentielle, affirmant que le loisir est aujourd'hui l'un des derniers espaces où l’individu peut encore exercer sa liberté de pensée et poursuivre une véritable émancipation intellectuelle.


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  • Pire, J.-M. (2020). Otium. Actes Sud.

  • Pire, J.-M. (2024). L'otium du peuple : À la reconquête du temps libre. Éditions Sciences Humaines.

  • Graeber, D. (2018). Bullshit Jobs: A Theory. Simon & Schuster

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